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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/11

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l’eau avec des bâtons, toujours se mentir à soi-même, à demi-sincère, à demi-conscient. — Puis, tout à coup, sur la tête tombe la vieillesse, comme la neige… et avec la vieillesse la crainte de la mort qui va toujours en augmentant, qui dévore et qui ronge… et après, le saut dans l’abîme !

Et c’est pour les privilégiés que la vie s’arrange ainsi !… Heureux qui ne voit pas avant la fin s’étendre sur lui, comme la rouille sur le fer, les maladies, les souffrances…

La vie lui apparaissait non comme une mer houleuse, ainsi que les poètes la décrivent, mais comme un océan imperturbablement calme, immobile et transparent jusque dans ses profondeurs les plus obscures ; lui-même il est assis dans une barque vacillante, — tandis que là-bas, sur ce fond sombre et vaseux, on aperçoit comme d’énormes poissons, des monstres difformes : tous les maux de la vie, les maladies, les douleurs, la folie, la misère, la cécité…

Il regarde et voit un de ces monstres surgir des profondeurs, monter à la surface, devenir plus net et en même temps plus horrible. En-