Aller au contenu

Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/111

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je vous laisse seuls, messieurs, dit Sanine.

Il salua, entra dans sa chambre à coucher dont il ferma la porte à clef.

Il se jeta sur son lit et se mit à penser à Gemma… mais les paroles des témoins pénétrèrent jusqu’à lui à travers la porte fermée.

Les témoins s’expliquaient en français, langue qu’ils écorchaient impitoyablement, chacun à sa manière.

Pantaleone parla de nouveau des dragons de Padoue et du principe Tarbousski ; le sous-lieutenant parla d’ « exghises léchères » et de « coups à l’amiaple ».

Le vieil Italien ne voulut pas entendre parler d’ « exghises ». À la terreur de Sanine, il se mit tout à coup à parler d’une jeune demoiselle innocente, dont le petit doigt vaut plus que tous les officiers du monde… Oune zeune damigella qu’a ella sola dans soun peti doa vale piu que toutt le zouffissié del mondo. Il répéta plusieurs fois : C’est une honte, une honte !… E ouna onta, ouna onta !

D’abord le sous-lieutenant ne répondit rien, mais bientôt sa voix trembla de colère et il