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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/125

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sentait que Gemma l’aimerait si elle ne l’aimait déjà… Mais comment tout cela finirait-il ?…

Il arpentait sa chambre, s’asseyait, prenait une feuille de papier, écrivait quelques lignes et les effaçait aussitôt.

Il voyait toujours l’admirable silhouette de Gemma dans la sombre baie de la fenêtre, sous la clarté des étoiles, dans le désordre où la jeta la chaude bourrasque. Il revit ces bras marmoréens, ces bras de déesse de l’Olympe ; il sentit sur ses épaules leur pression animée…

Puis il prit la rose qu’elle lui avait donnée, et il lui parut que ces pétales à demi fanés répandaient un parfum plus subtil, tout différent de celui des autres roses.

Et c’est à cette heure qu’il doit s’exposer à la mort, revenir peut-être défiguré ?…

Sanine ne se coucha pas dans son lit, il s’endormit, tout habillé, sur le divan…

Une main toucha son épaule.

Il ouvrit les yeux et vit Pantaleone.

— Il dort comme Alexandre-le-Grand à la veille de la bataille de Babylone, s’écria le vieil Italien.