Aller au contenu

Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais Sanine lui jeta un regard de mécontentement.

Le vieillard se rencogna au fond de la voiture. Il se sentait coupable. Son étonnement allait toujours croissant. C’est donc vrai, se disait-il, je suis témoin ? C’est moi, Pantaleone, qui ai fait tous les préparatifs, trouvé les chevaux, et déserté mon paisible logis à six heures du matin ?

Au milieu de son agitation il commençait à ressentir des douleurs aux jambes.

Sanine jugea nécessaire de remonter son vieux compagnon et trouva le bon moyen.

— Où est votre courage d’antan ? cher Signor Cippatola ? demanda-t-il. Où est votre antico valor ?

Signor Cipatola se redressa.

Il antico valor, répéta-t-il de sa voix de basse… n’est pas encore tout dépensé !

Il retrouva son port de galant uomo, et se mit à parler de sa carrière, de l’opéra, du grand ténor Garcia, — il arriva à Hanau complètement ragaillardi.

Il n’est rien en ce monde de plus fort ni de plus faible que la parole !