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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/166

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Les ondes calmes de la romance d’Uhland, dont il se berçait il n’y a pas longtemps, ont fait place à des vagues puissantes et impétueuses ! Ces vagues dansent, courent en avant et l’emportent dans leur tourbillon.

Sanine prit une feuille de papier, et sans la moindre rature, d’un trait de plume, écrivit la lettre suivante :

« Chère Gemma !

» Vous savez quel conseil j’étais chargé de vous donner ; vous connaissez le vœu de votre mère et vous savez ce qu’elle attendait de moi, — mais ce que vous ne savez pas, et ce que je dois vous dire maintenant, c’est que je vous aime, je vous aime de toute la passion d’un cœur qui aime pour la première fois ! Ce feu est descendu si soudainement et avec une telle violence que je ne trouve pas de paroles ! Quand votre mère est venue me voir, ce feu ne faisait encore que couver dans mon cœur, — sans quoi mon devoir d’honnête homme m’aurait fait refuser de me charger de la mission qu’elle m’a confiée… L’aveu que je vous fais est l’aveu d’un honnête homme… Vous