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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/165

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le bord même de sa robe, qu’il est tout prêt, comme disent les jeunes gens, à « mourir à ses pieds ! »

Ce dernier rendez-vous dans le jardin avait décidé de son sort. Maintenant, en songeant à elle, il ne la voyait plus les cheveux épars, sous la clarté des étoiles ; il la voyait assise sur le banc, rejetant vivement son chapeau en arrière pour le regarder avec cette confiance absolue… et le frisson, le désir de l’amour courait dans toutes les veines du jeune homme.

Il se rappela la rose qu’il portait dans sa poche depuis trois jours, il la prit dans ses mains et la porta à ses lèvres avec une telle fièvre d’ardeur qu’involontairement il se renfrogna de souffrance.

Il ne pouvait plus ni raisonner, ni penser, ni prévoir, il se détacha de tout son passé et fit un saut en avant ; il abandonna la rive triste de sa vie solitaire de garçon pour plonger dans un fleuve brillant, joyeux, puissant — et il se sent heureux, il ne veut pas savoir où ce fleuve le portera, ni si le courant ne le brisera peut-être pas contre un rocher !