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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/194

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Sanine écoutait Gemma avec ravissement, buvant le son de sa voix comme la veille il s’était émerveillé de son écriture.

— Maman est très contrariée, reprit Gemma avec volubilité, — elle ne comprend pas comment il se fait que M. Kluber m’est devenu insupportable, elle ne comprend pas que je l’ai accepté non par amour, mais parce que j’ai cédé à ses instances… Elle vous soupçonne… c’est-à-dire toi… elle est persuadée que je t’aime… et ce qui l’afflige le plus, c’est de penser qu’elle ne s’en est pas doutée et que la veille elle est allée te prier de m’influencer… C’était une étrange mission, n’est-ce pas ? Maintenant elle prétend que vous êtes un sournois, que vous avez abusé de sa confiance… et elle me prédit que vous me tromperez…

— Comment, Gemma, s’écria Sanine, tu ne lui as pas dit ?…

— Je ne lui ai rien dit ! De quel droit lui aurais-je dit, avant d’avoir parlé avec vous ?

Sanine battit des mains.

— Gemma ! J’espère que maintenant tu vas lui dire tout… Tu vas me conduire près d’elle…