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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/195

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Je veux prouver à ta mère que je ne suis pas un trompeur…

La poitrine de Sanine se soulevait sous un flot de sentiments généreux et enthousiastes.

Gemma le regardait avec scrutivité.

— Est-ce vrai ? Vous voulez tout de suite venir avec moi près de maman ?… Devant maman qui déclare que tout cela est impossible… que cela ne se réalisera jamais ?

Il y avait un mot que Gemma ne pouvait pas se décider à prononcer, bien qu’il lui brûlât les lèvres. Sanine fut d’autant plus heureux de le prononcer lui-même.

— Mais devenir ton mari, Gemma, je ne connais pas de bonheur comparable !

Il n’y avait plus de bornes à son amour, à sa grandeur d’âme ni à ses résolutions.

Gemma, qui avait fait une pause, après ces paroles pressa le pas.

On eût dit qu’elle voulait fuir ce bonheur trop grand, trop soudain.

Mais tout à coup ses jambes vacillèrent. Du coin d’une ruelle, à quelques pas d’eux, M. Kluber surgit, coiffé d’un chapeau neuf, droit comme une flèche et frisé comme un caniche.