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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/215

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forme épaisse, mais correctement habillée, qui se balançait en vacillant légèrement sur de gros pieds.

Sanine se demanda où il avait vu cette nuque couverte de cheveux d’un blond blanchâtre, cette tête qui semblait chevillée directement sur les épaules, ce dos replet, débordant de graisse, ces bras boursouflés qui pendaient le long du torse. Sanine se demanda s’il se pouvait vraiment qu’il eût devant les yeux Polosov, son camarade de pension, qu’il n’avait pas revu depuis cinq ans.

Lorsque le nouveau venu l’eut dépassé, Sanine courut après lui, le devança puis se retourna… Il vit un large visage jaunâtre, de petits yeux de cochon avec des cils et des sourcils blancs, un nez court et plat, de grosses lèvres qui semblaient collées l’une à l’autre, un menton rond et imberbe. À l’expression aigre, indolente, méfiante de cette tête, il n’eut plus de doute, c’était bien Hippolyte Polosov !

« Encore une fois, ce doit être mon étoile qui me l’envoie ! » se dit Sanine.

— Polosov, Hippolyte Sidoritch, est-ce toi ?

Le personnage s’arrêta, leva ses petits yeux,