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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/216

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hésita un instant, puis desserrant les lèvres dit d’une voix de fausset un peu enrouée :

— Dmitri Sanine ?

— Oui, moi-même ! répliqua Sanine.

Il secoua une des mains de Polosov couvertes de gants gris-cendre, un peu étroits, et qui pendaient inertes sur ses cuisses rebondies.

— Y a-t-il longtemps que tu es ici ? demanda Sanine, — d’où viens-tu ? À quel hôtel ?

— Je suis arrivé hier de Wiesbaden pour faire des emplettes pour ma femme… et je retourne aujourd’hui à Wiesbaden.

— Ah ! c’est vrai ! l’on m’a dit que tu es marié… et que ta femme est d’une beauté remarquable.

Les yeux de Polosov vaguèrent de droite et de gauche.

— Oui, on le dit, répondit-il.

Sanine se mit à rire.

— Je vois que tu n’es pas changé… Tu as toujours le même flegme… comme dans le temps, au pensionnat.

— Pourquoi changerais-je ?

— On dit encore, — Sanine appuya sur ce mot « on dit » — que ta femme est très riche.