Aller au contenu

Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/245

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

souriaient plus encore que ses lèvres, longues, empourprées et rayonnantes avec deux minuscules grains de beauté à gauche.

Polosov se traîna jusqu’à son fauteuil. Il ne disait mot, comme auparavant ; mais un sourire moqueur, étrange, de temps en temps plissait ses joues bouffies, incolores et déjà ridées.

Il avait l’air vieillot, bien qu’il n’eût que trois ans de plus que Sanine.

Le dîner que Polosov servit à Sanine aurait pu satisfaire le gourmet le plus consommé, mais Sanine le trouva sans fin et insupportable !

Polosov mangeait lentement « avec sentiment, conviction et lenteur », se penchant avec attention sur son assiette, et flairant presque chaque morceau.

D’abord il se rinçait la bouche avec du vin, et après seulement il l’avalait en faisant claquer ses lèvres…

Quand on servit le rôti, sa langue se délia subitement… mais sur quel sujet ?… Sur des moutons dont il voulait faire venir tout un troupeau dans sa propriété… et il en parlait