Aller au contenu

Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/267

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— N’êtes-vous pas fatiguée ? lui avait-il demandé plusieurs fois.

— Je ne suis jamais fatiguée ! avait-elle répondu.

Il leur arrivait de rencontrer des promeneurs, presque tous saluaient madame Polosov ; les uns respectueusement et d’autres presque servilement. À l’un de ces derniers, un très beau brun, mis en vrai dandy, elle cria de loin avec le plus pur accent parisien :

— Comte, vous savez, il ne faut pas venir me voir ni aujourd’hui ni demain.

Le comte, sans mot dire, leva son chapeau et s’inclina profondément.

— Qui est ce jeune homme ? demanda Sanine, possédé comme tous les Russes du démon de la curiosité.

— Qui c’est ? Un petit Français ! Il n’en manque pas ici… Il me fait aussi la cour… Mais il est temps de prendre le café. Rentrons. Je suis sûre que vous avez déjà faim ? Mon époux a sans doute décollé ses yeux.

« Époux ! décollé ses yeux ! » se dit Sanine à lui-même… Et avec cela elle a le plus pur accent parisien ! Quelle étrange créature ! »