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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/266

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tant d’intimité, mais elle s’appelait elle-même « un bon garçon qui n’aime pas les manières » et marchait à côté du jeune homme d’une allure féline, s’appuyant un peu sur le bras de son compagnon, et le regardant dans les yeux… Ce « bon garçon » marchait à côté de Sanine sous la forme d’un jeune être féminin, qui respirait cette séduction enivrante et alanguissante, calme et dévorante, qu’exercent sur les faibles hommes certaines natures slaves qui ne sont pas de race pure, mais qui ont subi un fort croisement.

Cette promenade dans le parc et cette conversation durèrent une bonne heure. Le couple ne s’arrêta pas une seule fois, marchant toujours en avant, en avant… dans les avenues sans fond du parc ; ils gravissaient la colline et admiraient la vue, ils descendaient dans les vallons, disparaissaient dans l’ombre impénétrable en restant toujours bras dessus, bras dessous.

Par moment Sanine s’en voulait : il ne s’était jamais promené si longuement avec sa chère Gemma, et décidément cette dame l’accaparait.