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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/280

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s’interpose, mais il lui sourit effrontément.

Ces yeux gris, ces yeux d’oiseau de proie, ces fossettes dans les joues, ces tresses serpentines, est-il possible que tout cela l’enlace, et qu’il n’ait plus la force de le repousser loin de lui ?

Oh ! non ! C’est insensé ! Demain tout cela aura disparu sans même laisser une trace.

Cependant le laissera-t-elle partir demain ?

Oui…

Sanine se posait toutes ces questions et l’heure où il devait se rendre auprès de Marie Nicolaevna approchait. Il passa son habit, et après avoir fait un tour ou deux dans le parc, il se présenta chez M. Polosov.

Il trouva dans le salon le secrétaire de l’ambassade russe, un long, long Allemand, très blond, avec un profil chevalin et la raie derrière la tête, — mode alors toute nouvelle ; et oh ! miracle ! qui encore ? — le baron von Daenhoff, l’officier avec lequel Sanine s’était battu trois jours auparavant ! Sanine ne s’attendait pas à le rencontrer chez madame Polosov, et involontairement il se troubla tout en saluant l’officier.