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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/288

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Avant d’entrer dans sa loge, Maria Nicolaevna pria Sanine de lever les écrans qui séparaient la loge du théâtre.

— Je ne veux pas qu’on me voie, dit-elle. — Ils viendraient tous m’ennuyer l’un après l’autre.

Elle fit placer Sanine à côté d’elle, le dos à la salle, afin que la loge semblât vide.

L’orchestre joua l’ouverture des Noces de Figaro… Le rideau se leva. On donnait, ce soir-là, une de ces pièces allemandes dans lesquelles les auteurs qui avaient de la lecture mais pas de talent, dans une langue choisie mais morte, traitaient diligemment mais sans adresse une idée « profonde » ou « palpitante d’intérêt » représentant le « conflit tragique » et exhalant un ennui… asiatique, comme il existe un choléra asiatique.

Maria Nicolaevna écouta patiemment la moitié de l’acte, mais quand le jeune premier ayant appris la trahison de son amoureuse (ce jeune premier était revêtu d’une redingote couleur cannelle avec des bouffants et un col de peluche, un gilet rayé avec des boutons de nacre, un pantalon vert à sous-pieds de cuir