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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/340

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n’avait qu’un espoir, c’est qu’au sein de son bonheur elle avait depuis longtemps oublié jusqu’à son existence.

Il ajouta qu’il s’était décidé subitement à lui écrire à la suite d’une circonstance qui avait évoqué devant lui les images du passé avec une force extraordinaire.

Il raconta sa vie solitaire, sans famille, sans joie, et la pria de ne pas se méprendre sur les motifs qui l’avaient déterminé à écrire cette lettre ; il ne voulait pas emporter dans la tombe la conscience qu’une faute, qu’il avait cruellement expiée, n’avait pas été pardonnée. Il l’implorait de lui écrire seulement deux mots pour lui dire comment elle se trouvait dans la nouvelle patrie qu’elle s’était choisie.

« En m’envoyant ne fût-ce qu’un mot, ajoutait Sanine en terminant sa lettre, vous ferez une bonne action, digne de votre belle âme, et je vous en serai reconnaissant jusqu’à mon dernier soupir. Je suis actuellement à l’hôtel du Cygne Blanc, à Francfort, et j’attendrai ici votre réponse jusqu’au printemps. » Il souligna ces derniers mots.