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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/341

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Sanine expédia sa lettre et l’attente commença.

Il passa six semaines à l’hôtel sans sortir de sa chambre et ne voyant personne. Ses amis de Russie ne pouvaient pas lui écrire n’ayant pas son adresse, et Sanine s’en félicitait ; il savait que lorsqu’il recevrait une lettre, il saurait de qui elle vient.

Il lisait du matin au soir, non des journaux mais des livres sérieux, des livres d’histoire.

Ces lectures prolongées, ce silence, cette vie repliée sur soi-même répondait à son état d’âme. Il savait gré à Gemma de la lui avoir indirectement procurée.

Mais est-elle vivante ? Lui répondra-t-elle ?

Enfin, la lettre si longtemps attendue arriva, portant un timbre américain et venant de New-York ! La suscription de l’enveloppe était d’écriture anglaise.

Sanine ne reconnut pas cette écriture et son cœur se serra. Il avait peur d’ouvrir cette lettre. Il regarda la signature : Gemma !

Il fondit en larmes.

Ce nom écrit au bas de la page sans être accompagné du nom de famille était un gage de pardon.