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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/40

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Le duettino terminé, Frau Lénore dit qu’Emilio possédait une très belle voix — un timbre d’argent, mais qu’il était à l’âge où la voix change et qu’il lui était défendu de chanter. C’était à Pantaleone de se ressouvenir, en l’honneur de leur hôte, des airs qu’il chantait si bien autrefois.

Pantaleone fit la mine, se renfrogna, ébouriffa ses cheveux et déclara que depuis des années il avait abandonné le chant, bien qu’il fût un temps où il pouvait être fier de son talent. Il ajouta qu’il appartenait à cette grande époque où il y avait encore de vrais chanteurs classiques — qu’on ne saurait comparer aux glapisseurs de nos jours. Alors il y avait vraiment ce qu’on est en droit d’appeler une école de chant, et quant à lui, Pantaleone Cippatola de Varèse, ne lui avait-on pas jeté à Modène une couronne de lauriers et n’avait-on pas lâché en son honneur des pigeons blancs sur la scène ? Enfin, un certain prince Tarbousski — il principe Tarbusski — avec lequel il était intimement lié, ne le tourmentait-il pas chaque soir pour l’engager à faire une tournée en Russie, où il lui promettait des montagnes