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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/58

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sur elle. C’est lui qui avait suggéré à Madame Roselli l’idée de mettre son fils dans le commerce, parce que le premier commis ne voyait rien de plus beau que le commerce. Vendre du drap et du velours, tromper le client, lui demander des « prix d’imbéciles », des « prix de Russes »[1], voilà l’idéal de M. Kluber !

— Eh bien ! maintenant vous allez venir chez nous ? s’écria l’enfant dès que Sanine eut terminé sa toilette et écrit une lettre à Berlin.

— Il est encore trop tôt pour faire une visite, objecta Sanine.

— Oh ! ça ne fait rien, s’écria Emilio d’un ton caressant. Revenez avec moi. Nous passerons à la poste et de là nous reviendrons chez nous ! Gemma sera si contente ! Vous déjeunerez avec nous… Vous pourrez glisser un mot à maman en faveur de moi… en faveur de ma carrière artistique…

— Eh bien ! allons, dit Sanine.

Et ils sortirent ensemble de l’hôtel.

  1. Autrefois, et peut-être encore maintenant, au mois de mai, dès que les seigneurs russes arrivaient à Francfort, tous les magasins élevaient leurs prix, qu’on appelait « prix de Russes » ou « prix d’imbéciles ».