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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/68

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Gemma riait toujours sans bruit, et Sanine lui-même était d’une gaieté inusitée, dans un état d’esprit extraordinairement heureux.

Il lui semblait qu’il resterait volontiers éternellement derrière ce comptoir à vendre des bonbons et de l’orgeat, pendant que cette belle jeune fille le regardait avec des yeux amicalement moqueurs, et que le soleil d’été se frayant un chemin à travers l’épais feuillage des marronniers, remplissait la chambre de l’or verdâtre des rayons du couchant, et que le cœur se mourait d’une douce langueur de paresse, d’insouciance et de jeunesse — de première jeunesse.

Le quatrième client demanda une tasse de café. Cette fois il fut nécessaire de recourir à Pantaleone, et Sanine vint reprendre sa place près de Gemma. Frau Lénore dormait toujours, à la vive satisfaction de sa fille.

— Quand maman peut dormir, sa migraine passe tout de suite ! expliqua Gemma.

Sanine, toujours à mi-voix, parla de nouveau de « son commerce » et s’informa gravement du prix des marchandises. Gemma lui répondit sur le même ton. Tous deux, pourtant, en