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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/86

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une flèche, sa langue rouge tirée jusqu’à l’épaule.

Herr Kluber faisait tout ce qu’il jugeait convenable pour égayer la compagnie. Il invita tout le monde à s’asseoir sous l’ombre d’un grand chêne, et, tirant de sa poche un petit livre intitulé : Knallerbsen — oder du sollst und wirst lachen ! — Les Pétards, — ou tu dois rire et tu riras certainement ! il se mit à lire des anecdotes comiques. Il en lut une douzaine sans avoir fait rire qui que ce soit. Sanine, seul, par politesse, se croyait obligé, à la fin de chaque récit, de découvrir ses dents, et M. Kluber lui-même ponctuait régulièrement ses anecdotes d’un rire bref, mesuré et toujours empreint de condescendance.

Vers midi, M. Kluber et ses invités entrèrent dans le premier restaurant de Soden.

Il s’agissait de choisir le menu.

M. Kluber avait proposé de dîner dans le gartensalon, un pavillon fermé. Cette fois, Gemma se révolta et déclara qu’elle voulait dîner dans le jardin, au grand air, à une des petites tables disposées devant le restaurant. « Elle en avait assez, ajouta-t-elle, d’être tout