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Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/91

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bu ; leur table était couverte de bouteilles. Subitement, l’officier qui regardait sans cesse Gemma se leva, et, le verre à la main, s’approcha de la table où se trouvait la jeune Italienne.

C’était un tout jeune homme, très blond, dont les traits étaient assez agréables, même sympathiques ; mais la boisson avait altéré son visage ; ses joues se contractaient, les yeux enflammés vaguaient avec un air impertinent.

Ses camarades avaient d’abord tenté de le retenir, puis avaient fini par le laisser aller en disant : « Arrive que pourra ! »

L’officier, avec un léger balancement des jambes, s’arrêta devant Gemma, et, d’une voix criarde et forcée, dont l’accent laissait percer pourtant une lutte intérieure, s’écria :

— Je bois à la santé de la plus belle demoiselle de café de Francfort et du monde entier !

Il vida d’un trait son verre et ajouta :

— En retour, je prends cette fleur que ses doigts divins ont cueillie.

Il s’empara d’une rose qui se trouvait sur la table, devant le couvert de Gemma.