Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/15

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Après 1870 il quitte l’Allemagne, vient définitivement habiter Paris et la France est reconnaissante à l’étranger de préférer l’hospitalité du vaincu à celle du vainqueur. Ami intime de Flaubert, qui depuis longtemps avait organisé en son honneur les fameux dîners Magny dont Edmond de Goncourt est devenu le chroniqueur, (voir le Journal des Goncourt) traduit par Mérimée, célébré par About et George Sand, par Taine et Renan, salué comme un maître par Zola et Daudet, Tourguéneff, devenu presque un classique français, est le chef de file de la nouvelle école réaliste et naturaliste. Malgré ces admirations et ces amitiés, l’exil ne lui fut pas propice. Sa popularité en France, d’ailleurs un peu factice, ne lui put jamais compenser son impopularité là-bas, et il porta au cœur jusqu’à sa mort, la blessure de la patrie absente et ingrate. Ses souffrances morales, sa vie irrégulière avaient prématurément ruiné sa puissante organisation. Tourguéneff mourut en 1883 après des années d’atroces souffrances d’un cancer de la moelle épinière. Ironie du destin ! Il rentra après sa mort dans sa patrie et la Russie qui l’avait méconnu décerna à son cadavre les honneurs qu’elle avait refusés à son génie.

III.

Il importe de bien fixer les grandes lignes de cette existence tourmentée ; il importe surtout de se souvenir à quelle date, sous quelles influences chacune des œuvres a été écrite, quels sont les milieux successifs qu’il a traversés : vieille Russie, Terre noire, servage, universités d’Allemagne, colonie russe de