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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/155

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rouble ; — ce marais est de première qualité ; il abonde en toute espèce d’oiseaux sauvages, au point de ne savoir qu’en faire. » Je suivis ses indications, et non seulement je n’aperçus aucun oiseau sauvage, mais je ne découvris même pas le marais depuis longtemps desséché. Eh bien ! faites-moi le plaisir de me dire pourquoi le Russe ment toujours, le commis-marchand comme le politico-économiste ?

Litvinof ne répondit rien et se contenta de soupirer.

— Entamez une conversation avec ce dernier, continua Potoughine, sur les problèmes les plus ardus de la science sociale, pris en général, sans faits positifs… prrrr ! il part aussitôt comme un oiseau dont on a délié les ailes. Un jour j’ai réussi pourtant à attraper un de ces oiseaux ; je m’étais servi, comme vous allez voir, d’un excellent appât. Je discutais avec un de nos jeunes gars du jour sur diverses « questions, » ainsi qu’ils disent. Comme à l’ordinaire, il se fâchait beaucoup ; il niait, entre autres, le mariage avec une obstination vraiment puérile. Je lui soumis quelques arguments… c’est comme si j’eusse parlé à un mur ! Je désespérais de l’aborder d’aucun côté, lorsqu’une heureuse idée me traversa l’esprit. « Veuillez me permettre de vous faire une observation, lui dis-je, — avec les blancs-becs il faut toujours être respectueux, — vous m’étonnez beaucoup, monsieur. Vous vous occupez de sciences naturelles, et jusqu’à présent vous n’avez pas porté