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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/159

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— Excusez-moi, Sozonthe Ivanovitch, dit-il, mais j’ai à vous renouveler ma question sur…

— Sur ?

— Sur madame Ratmirof.

Potoughine plia le journal et l’enfonça dans sa poche.

— Vous voulez encore savoir comment j’ai fait sa connaissance ?

— Non, ce n’est pas cela ; je voudrais avoir votre opinion… sur le rôle qu’elle a joué à Pétersbourg. Quel a été en définitive ce rôle ?

— Je ne sais vraiment que vous dire, Grégoire Mikhailovitch. Je me suis trouvé en relations assez intimes avec madame Ratmirof… mais cela a été tout à fait par hasard et de peu de durée. Je n’ai pas pénétré dans son monde et ce qui s’y passe m’est inconnu. J’ai bien entendu quelque chose, mais vous savez, les caquets ne règnent pas seulement dans les cercles démocratiques, et cela m’intéressait peu. Cependant, je m’aperçois, ajouta-t-il après un moment de silence, qu’elle vous occupe.

— Oui, nous avons causé ensemble deux fois, assez franchement. Je me demande toutefois si elle est sincère ?

Potoughine baissa les yeux.

— Quand elle s’emporte, elle est sincère, comme toutes les femmes passionnées. Parfois l’orgueil l’empêche aussi de mentir.

— Elle est orgueilleuse ? Je supposais plutôt qu’elle était capricieuse.