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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/168

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russes), monsieur Loujine, soyez assez aimable pour nous procurer une écrevisse.

M. Loujine s’inclina.

— Faut-il l’apporter vivante ou vivement ?

La comtesse ne comprit pas.

— Mais oui, une écrevisse, répéta-t-elle ; une écrevisse.

— Qu’est-ce que c’est ? une écrevisse ? demanda sévèrement la comtesse Ch…

L’absence de M. Verdier l’irritait : elle ne pouvait comprendre pourquoi Irène n’avait pas engagé le plus délicieux des Français. La vieille ruine, qui ne comprenait rien depuis longtemps (elle avait en outre l’avantage d’être sourde), branla aussi la tête d’un air désapprobateur.

— Oui, oui, vous allez voir. Monsieur Loujine, je vous prie…

Le jeune voyageur salua, sortit et ne tarda pas à rentrer suivi d’un garçon qui, s’efforçant de ne pas rire, portait dans un plat une énorme écrevisse.

— Voici, madame, s’écria Loujine ; on peut maintenant procéder à l’opération du cancer. Ha ! ha ! ha ! (Les Russes sont toujours les premiers à rire de leurs saillies.)

— Hi ! hi ! hi ! crut devoir faire le prince Coco, en qualité de patriote et de protecteur des produits indigènes.

Nous prions ici le lecteur de nous excuser : qui peut répondre qu’assis dans un fauteuil du théâtre Alexandra et saisi par son atmosphère, qui peut