Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/169

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répondre de n’avoir pas applaudi un pire calembour ?

— Merci ! merci ! dit la comtesse. Allons, allons, monsieur Fox, montrez-nous ça.

Le garçon posa le plat sur une table ronde. Une certaine agitation se fit dans le salon : les cous s’allongèrent ; seuls les généraux, à la table de jeu, conservèrent leur solennelle impassibilité. Le spirite ébouriffa ses cheveux, fronça les sourcils, et, s’approchant de la table, commença à promener ses mains en l’air : l’écrevisse s’agita, recula et souleva ses pinces. Le spirite redoubla ses mouvements, l’écrevisse continua les siens.

— Mais que doit-elle donc faire ? demanda la comtesse.

— Elle dôâ rester immobile et se dresser sur sa quioue, répondit avec un accent américain très prononcé M. Fox en agitant convulsivement ses doigts sur le plat. Mais le magnétisme n’agissait point : l’écrevisse ne devenait que plus pétulante. Le spirite déclara n’être pas en veine, et s’éloigna mécontent de la table. La comtesse entreprit de le consoler en l’assurant que M. Home lui-même ne réussissait pas toujours. Le prince Coco confirma ces paroles. L’amateur de l’Apocalypse et du Talmud s’approcha furtivement de la table et voulut aussi, en faisant quelques brusques passes sur l’écrevisse, essayer de son bonheur ; mais il ne réussit pas davantage : aucun signe de catalepsie ne se manifesta.