Aller au contenu

Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

prendre à leurs dépens, et la simplicité slave est mêlée bien souvent de duplicité byzantine. Tourguéneff est plein de contradictions et de dessous obscurs et ces contradictions expliquent les jugements contradictoires dont il a été l’objet, surtout en Russie, de la part des Slavophiles aussi bien que des « Zapadniki. » Il est tour à tour mystique et mystificateur, enthousiaste et sceptique, épris de révolutions et sans illusions sur les révolutionnaires (Pères et Enfants), doux et violent ; ayant foi aux idées et sachant bien que ces idées se dissiperont en « fumée » (Fumée). Très intelligent, très souple et très faible, il a toujours subi l’influence de son entourage ; très jeune et très vieux, barbare et raffiné, il est le produit d’une civilisation dont on a pu dire qu’elle était pourrie avant d’être mûre. Quand la mode était au byronisme et à la pose romantique, Tourguéneff frappait Herzen et Tolstoy par son affectation et il promenait son monocle et son dandyisme dans la Perspective Nevski. Quand il était en Allemagne, il était Gallophobe. Quand il était à Paris, il était Gallophile. Ce que ne l’empêchait pas d’écrire à ses amis de Russie les jugements les plus amers sur sa patrie d’adoption.

Au demeurant et au total, nature ondoyante et diverse, caractère profondément sympathique mais indécis et vacillant, intelligence lumineuse mais manquant de foyer. Ses vertus lui appartiennent en propre, ses défauts tiennent à son éducation et aux conditions démoralisantes de son existence d’exilé et de déraciné.

2. Et de même que ces conditions expliquent en