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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/176

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Ah ! je vous prie, sans ironie et plus vite. Je suis fatiguée, je veux dormir.

Elle prit un flambeau sur la table.

— Sur le compte ?

— Mais toujours sur le compte de ce M. Litvinof. Comme il n’y a plus de doute maintenant qu’il vous occupe beaucoup…

Irène leva la main qui tenait le flambeau : la lumière se trouva à la hauteur du visage de son mari ; elle le regarda dans le blanc des yeux avec attention et curiosité, puis éclata de rire tout à coup.

— Qu’avez-vous ? demanda Ratmirof en fronçant le sourcil ? Qu’est-ce que c’est ? répéta-t-il en frappant du pied.

Il se sentait offensé, humilié, et en même temps la beauté de cette femme, debout devant lui, avec tant d’aisance et de hardiesse, l’éblouissait et le déchirait. Aucun de ses charmes ne lui échappa : jusqu’au reflet rose des ongles de ses doigts effilés, tenant ferme le bronze foncé du flambeau ; il vit jusqu’à ce reflet… et l’offense pénétra encore plus profondément dans son cœur.

Et Irène continuait de rire.

— Comment ! vous ! vous êtes jaloux ? dit-elle enfin ; et, tournant le dos à son mari, elle sortit de la chambre. — Il est jaloux ! entendit-il derrière la porte avec un nouvel éclat de rire.

Ratmirof, d’un air sombre, regarda sa femme sortir. Ici encore il ne put s’empêcher de remarquer tout ce que sa tournure, tout ce que sa démarche