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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/278

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CHAPITRE XXVI


Sans s’arrêter ni à Pétersbourg ni à Moscou, Litvinof retourna dans son modeste patrimoine. Il eut peur en revoyant son père, tant il le trouva vieilli et cassé. Le vieillard se réjouit de revoir son fils, autant que peut se réjouir un homme qui en a fini avec la vie ; il s’empressa de lui donner la direction de toutes ses affaires fort en désordre, et, après avoir encore gémi quelques semaines, il acheva de mourir, Litvinof resta seul dans la vieille maison paternelle ; il se mit à faire valoir sa terre avec un cœur ulcéré, sans espoir, sans prendre goût à son travail et sans argent. L’administration des biens en Russie n’est pas une chose gaie ; il n’y en a que trop qui le savent. Nous ne nous étendrons donc pas sur les difficultés qu’y rencontra Litvinof. Il ne pouvait pas songer à introduire des réformes et des améliorations ; l’application devait être indéfiniment ajournée ; la nécessité l’obligeait à vivre au jour le jour, à se résigner à toutes sortes de concessions matérielles et morales. Les nouvelles institutions fonctionnaient mal, les vieilles avaient perdu toute force ; l’inexpérience avait à lutter contre la mauvaise foi ;