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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/280

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vants comme un vivant. Les dernières traces du charme sous lequel il était tombé avaient aussi disparu : tout ce qui s’était passé à Bade ne lui apparaissait plus que comme un songe. Et Irène… Elle avait également pâli et s’était évanouie ; seulement quelque chose de vaguement dangereux se dessinait sous le brouillard qui enveloppait son image. Il avait rarement des nouvelles de Tatiana ; il savait seulement qu’elle s’était établie avec sa tante dans son petit patrimoine, situé à deux cents verstes de sa propriété, qu’elle y vivait paisiblement, sortant peu, ne recevant presque pas de visites, — qu’elle était d’ailleurs calme et bien portante. Un beau jour de mai, il était assis dans son cabinet et parcourait avec distraction le dernier numéro d’un journal de Pétersbourg, lorsque son domestique lui annonça l’arrivée d’un vieil oncle. Cet oncle, cousin de Capitoline Markovna, venait précisément de la visiter. Il avait acheté un bien dans le voisinage de Litvinof et allait en prendre possession. Il demeura plusieurs jours chez son neveu et l’entretint beaucoup du genre de vie de Tatiana. Le lendemain de son départ, Litvinof envoya à celle-ci une lettre, la première après leur séparation. Il lui demandait la permission de renouer leurs relations au moins par correspondance ; il désirait également savoir s’il devait renoncer à la pensée de la revoir un jour. Ce n’est pas sans émotion qu’il attendit une réponse… Elle vint enfin. Tatiana répondait amicalement à son ouverture : « Si vous avez l’idée de venir nous voir,