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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/30

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CHAPITRE II


À quelques pas de « l’arbre russe, » était assis devant une petite table du café Weber un homme d’une trentaine d’années, d’une stature moyenne, maigre, basané, ayant des traits agréables en même temps que virils. Les deux mains appuyées sur sa canne, il était tranquille comme un homme auquel il ne vient pas en idée que quelqu’un puisse le remarquer ou s’occuper de lui. Ses grands yeux bruns et expressifs parcouraient lentement ce qui l’entourait ; tantôt le soleil les faisait cligner un peu, tantôt ils suivaient quelque figure excentrique qui passait devant lui, et alors un sourire rapide, presque enfantin, effleurait ses lèvres surmontées d’une fine moustache. Il portait un paletot de façon allemande ; un feutre gris cachait la moitié de son large front. Au premier coup d’œil, il vous faisait l’impression d’un honnête et actif jeune homme n’ayant pas de lui-même une trop mauvaise opinion, comme il y en a beaucoup en ce monde. Il semblait se reposer après de longs travaux et prendre d’autant plus de plaisir au tableau qu’il avait sous les yeux que ses pensées habituelles se