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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/46

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dans un salon, lorsque y entra madame Beecher-Stowe, vous savez, la Case de l’oncle Tom. Excessivement vaniteux, Tenteléef pria le maître de la maison de le présenter à madame Stowe ; celle-ci, dès qu’elle entendit son nom, l’apostrophe ainsi : « Comment osez-vous vous présenter devant l’auteur de l’Oncle Tom ? Décampez à l’instant ! » et v’lan ! elle lui applique un soufflet. Et qu’en dites-vous ? Tenteléef prit son chapeau et s’éclipsa l’oreille basse.

— Ceci est peut-être exagéré, fit Bambaéf. Elle lui a dit : « Décampez ! » c’est un fait indubitable, mais elle ne lui a pas appliqué de soufflet.

— Elle a donné, donné un soufflet, elle a donné un soufflet ! répéta convulsivement madame Soukhantchikof, je n’ai pas l’habitude de faire des contes. Ah ! ces gens-là sont vos amis ?

— Permettez, Matrena Semenovna, je n’ai jamais dit que j’ai été intime avec Tenteléef, c’est de Pélikanof que j’ai parlé.

— Si Tenteléef n’est pas de vos amis, c’est donc Mikhnéef, par exemple.

— Et qu’est-ce que celui-ci a fait ? reprit avec anxiété Bambaéf.

— Ce qu’il a fait ? Comme si vous ne le saviez pas ! Il a crié devant tout le monde, sur le coin de la Perspective et de la rue de l’Ascension, qu’il fallait emprisonner tous les libéraux ; et lorsqu’un vieux camarade de pension, pauvre, bien entendu, est venu lui dire : « Peut-on dîner chez toi ? » il