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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/49

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Litvinof satisfit sa curiosité.

— Ah ! c’est-à-dire de science naturelle. Mm… mm… C’est très utile comme école, mais non comme but. Le but doit être autre maintenant. Permettez-moi de vous demander quelles sont vos opinions ?

— Mes opinions ?

— Oui, c’est-à-dire quelles sont vos convictions politiques ?

Litvinof sourit :

— En réalité, je n’ai aucune conviction politique.

À cette réponse, le gros monsieur, assis dans un coin, leva subitement la tête et regarda fixement Litvinof.

— Comment cela se fait-il ? dit avec une aménité affectée Goubaref. N’y avez-vous jamais songé, ou êtes-vous déjà blasé ?

— Comment vous dire ? Il me semble que pour nous autres Russes c’est encore trop tôt d’avoir des convictions politiques ou de nous imaginer que nous en avons. Remarquez que je donne au mot politique la valeur qui lui appartient de droit et qui…

— Ah ! ah ! vous êtes de ceux qui ne se croient pas mûrs, dit avec la même aménité Goubaref et s’approchant de Vorochilof, il lui demanda s’il avait lu la brochure qu’il lui avait prêtée ?

À l’étonnement de Litvinof, Vorochilof n’avait pas laissé échapper une syllabe depuis son entrée ; il fronçait le sourcil et faisait mouvoir ses yeux avec dignité (en général, il parlait tout seul ou se tai-