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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/85

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CHAPITRE VII


La cour vint à Moscou cet hiver. Ce n’était qu’une succession de fêtes, que termina le grand bal habituel à l’assemblée de la noblesse. La nouvelle en parvint, sous forme d’affiche de la Gazette de la police, jusqu’à la petite maison de la place des Chiens. Le prince en fut ému le premier ; il décida immédiatement qu’il fallait y aller et y conduire Irène, qu’il serait impardonnable de laisser échapper cette occasion de voir ses souverains, et qu’il y avait là une sorte de devoir à remplir pour la vieille noblesse. Il insista là-dessus avec une chaleur qui ne lui était pas ordinaire ; la princesse, acceptant jusqu’à un certain point son avis, n’était préoccupée que de la dépense, mais Irène s’opposa formellement à ce projet. « C’est inutile, je n’irai pas, » répondait-elle à tous les arguments de ses parents. Son entêtement prit de telles proportions que le vieux prince se décida à prier Litvinof de tâcher de la persuader, de lui faire comprendre entre autres « raisons, » qu’il ne convenait pas à une jeune fille de fuir le monde, qu’il fallait « subir cette épreuve », que déjà personne ne la voyait nulle part. Litvinof se chargea