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Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/86

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de lui exposer « ces raisons ». Irène le considéra si fixement qu’il en fut troublé, puis jouant avec les bouts de sa ceinture, elle répondit tranquillement :

— C’est vous, vous, qui désirez cela ?

— Oui, je suppose, balbutia Litvinof. Je suis de l’avis de votre père… Et pourquoi n’iriez-vous pas… voir le monde et vous montrer ? ajouta-t-il avec un naïf sourire.

— Me montrer, répéta-t-elle lentement. C’est bien, j’irai ; souvenez-vous seulement que c’est vous qui l’avez désiré.

— C’est-à-dire, je… commençait Litvinof.

Elle lui coupa la parole : — C’est vous-même qui l’avez désiré. Et voici encore une condition : promettez-moi que vous ne serez pas à ce bal.

— Mais pourquoi ?

— Cela me plaît ainsi.

Litvinof fit avec peine un geste de consentement.

— Je me soumets… mais, je l’avoue, il m’aurait été bien agréable de vous voir dans toute votre splendeur, d’être témoin de l’impression que vous produirez certainement… Comme j’aurais été fier de vous ! ajouta-t-il en soupirant.

Irène sourit.

— Toute cette splendeur consistera en une robe blanche, et quant à l’impression… Enfin, je veux, en un mot, que cela soit ainsi.

— Irène, est-ce que tu serais fâchée ?

Irène sourit de nouveau.

— Oh ! non, je ne me fâche pas, seulement tu…