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PREMIER AMOUR

chaque jour, et que ne faisait-elle pas de moi ! Elle venait rarement chez nous, ce que d’ailleurs je ne regrettais pas.

Dans notre maison, elle se transformait en grande dame, en princesse, et je l’évitais. Je craignais de me trahir devant ma mère, qui était peu bienveillante pour Zinaïda, et nous épiait d’un air mécontent.

Je ne craignais pas autant mon père : il semblait ne pas s’apercevoir de ma présence. Avec Zinaïda il parlait peu, mais d’une façon particulière, intelligente, nullement oiseuse.

Je cessai tout travail, toute lecture, j’abandonnai même mes promenades dans les environs et ne montai plus à cheval. Comme un scarabée retenu par un fil, je tournoyais autour de mon pavillon préféré, j’y serais même resté toujours, mais c’était impossible. Ma mère murmurait, et parfois Zinaïda elle-même me chassait. Alors, je m’enfermais dans ma