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PREMIER AMOUR

chambre ou je me retirais dans l’endroit le plus écarté de notre jardin, j’escaladais le mur ruiné d’une haute serre en pierre, et, les jambes pendantes du côté qui donnait sur la route, je passais des heures entières à regarder, à regarder sans rien voir.

Auprès de moi, sur l’ortie poudreuse, voltigeaient paresseusement des papillons blancs. Un hardi moineau se posait tout près sur une brique rouge à demi effritée, et piaulait d’une façon agaçante, en tournant sans cesse de tout son corps, et la queue étendue. Les corbeaux, toujours défiants, croassaient de temps à autre, perchés sur le sommet d’un bouleau dénudé ; le soleil levant jouait doucement dans ses maigres branches ; la sonnerie des cloches du monastère de Don arrivait par moments paisible et monotone, tandis que je restais assis à regarder, à écouter, et tout mon être se remplissait d’un sentiment inexprimable où tout