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PREMIER AMOUR

de ses paroles me frappait le cœur. En ce moment il me semblait que j’aurais donné ma vie pour lui ôter son chagrin. Je la regardais et, bien qu’il ne me fût pas possible de deviner ce qui lui pesait tant, je la voyais, très nettement maintenant, en esprit, arriver dans le coin du jardin où elle se trouvait et tomber là comme une plante fauchée.

Autour de nous tout était éblouissement et verdure. Le vent bruissait dans le feuillage, balançant de temps à autre la longue branche d’un arbrisseau au-dessus de la tête de Zinaïda. Des tourterelles roucoulaient, et des abeilles bourdonnaient en voltigeant très bas sur l’herbe rare. En haut, bleuissait le ciel caressant, et moi j’étais si triste…

— Récitez-moi quelques vers, dit à mi-voix Zinaïda, en s’appuyant sur son coude ; j’aime vous entendre réciter. Vous chantez un peu, mais cela ne fait rien, c’est jeune. Récitez-