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Page:Tristan - Union ouvrière, 1844 (2e édition).pdf/148

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sont incalculables. Cette union est un pont jeté entre la civilisation qui se meurt, et l’ordre social harmonique entrevu par des esprits supérieurs. Pour premier effet, elle opérera la rehabilitation du travail manuel, flétrie par des milliers d’années d’esclavage ! et ceci est un point capital. Dès l’instant où il n’y aura plus de déshonneur à travailler de ses mains, où le travail sera même un fait honorable[1], tous, riches et pauvres travailleront ; car l’oisiveté est à la fois une torture pour l’homme et la cause de ses maux. Tous travailleront, et par ce fait seul, l’abondance régnera pour tous. Dès lors plus de misère, et la misère cessant, l’ignorance cessera aussi. Qui produit le mal dont nous souffrons aujourd’hui ? n’est-ce pas ce monstre à mille têtes, l’ÉGOÏSME ! mais l’égoïsme n’est pas la cause première, c’est la misère et l’ignorance qui produisent l’égoïsme.

72. Qu’un paysan ait des prunes en abondance dans son jardin, et que ses voisins aient de même tant de prunes que personne ne se présente pour les acheter, dans ce cas, le paysan se montrera très-charitable ; il laissera les pauvres du village manger ses prunes. Mais qu’il s’établisse un chemin de fer traversant le dit village, situé à trente lieues de la capitale, et que par ce moyen le paysan puisse porter à peu de frais ses prunes à la halle de Paris, où elles seront vendues 12 fr. le panier, oh ! alors notre homme changera de ton avec les pauvres. Malheur à celui qui, passant près de l’arbre, osera ramasser une prune ; ce paysan se mettra jour et nuit à surveiller sa propriété ; il criera au vol ! à l’attaque contre ses droits sacrés ! et

  1. Je suis tout à fait de l’opinion de Fourier, qu’il faut trouver le moyen de rendre le travail attrayant ; — mais je crois qu’avant d’arriver à ce terme, qui est le dernier, il faut d’abord que le travail cesse d’être déshonorant.