Page:Trollope - La Pupille.djvu/155

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cette forêt merveilleuse, quand tout à coup elle s’arrêta devant un chêne gigantesque qui couvrait de ses bras touffus une vaste étendue, au milieu de laquelle on l’avait isolé sans doute, afin de lui laisser son incroyable développement.

Jem, l’ancien page de son oncle et maintenant le sien, murmura à part lui :

« Elle ne peut cependant pas passer devant ce vieil ami de notre pauvre maître sans l’admirer ; il est heureux qu’elle daigne y faire attention. »

Tandis que Jem lui prêtait un sentiment louable, Sophie pensait avec satisfaction à la valeur énorme de cet arbre, qu’elle projetait déjà de faire abattre, ainsi que tous ceux qui étaient de belle venue dans le bois, pour les vendre et s’en faire de l’argent. Sophie Martin Thorpe trouva son amie miss Brandenberry dans le salon de sa vieille maison avec sa mère. Celle-ci tricotait un bas tandis que Marguerite raccommodait les siens, mais, en entendant annoncer miss Martin Thorpe, elle les cacha vivement sous le coussin d’une bergère et s’écria :

« Prévenez mon frère ! annoncez-lui l’honneur et le bonheur qui nous arrivent. Quelle joie, quelle félicité inespérée, chère amie ! que vous êtes aimable ! reprit la vieille fille en étouffant l’héritière dans ses bras. Vous déranger pour venir nous voir ! que vous êtes bonne ! Vous si mignonne et si élégante, mettre vos jolis petits pieds dans la crotte ! Ah ! Richard a bien raison de dire que, depuis votre arrivée dans ce pays, la grâce et le bon goût habitent à Thorpe-Combe. Mon pauvre frère, vous ne pouvez savoir comme il est changé depuis un mois ou six semaines ; il maigrit, il pâlit, et devient tellement distrait que la maison pourrait bien brûler sans qu’il s’en aperçût. »

Sophie, qui comprenait à merveille le but de toutes ces flatteries, mais qui ne les en recevait pas moins