Page:Trollope - La Pupille.djvu/224

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vous voir vous éloigner aussi longtemps, je vous aurais ouvert mon pauvre cœur blessé.

— Parlez, ma chère, reprit M. Jenkins avec animation. Tout ce qui vous regarde m’intéresse infiniment. Je vous écoute.

— Eh bien ! monsieur, j’ai écrit dernièrement à sir Charles, et je ne serais pas étonnée que ma lettre le ramenât brusquement.

— Vraiment ? j’en serais charmé. Alors Algernon reviendra avec lui, et je pourrai voir ce garçon dont je désire vraiment faire la connaissance.

— Algernon Heathcote ici ? chez moi ? jamais ! s’écria Sophie. Oh ! monsieur Jenkins, si vous saviez tout ce que cet infâme garçon m’a fait souffrir, vous ne vous étonneriez pas de l’agitation dans laquelle je suis, rien que d’entendre prononcer son nom.

— Qu’avez-vous souffert, Sophie, et quelles injures Algernon vous a-t-il adressées ? reprit gravement M. Jenkins.

— Ce que j’ai souffert ! répondit l’héritière, enchantée de trouver cette occasion pour calomnier ses bienfaiteurs aux yeux de son riche ami. Vous ne pouvez savoir à combien de tortures ma vie a été livrée. Orpheline à dix-neuf ans, je me rappelle bien tout le bonheur qu’on éprouve auprès de sa mère et que l’on perd avec elle. Hélas !

— C’est vrai ! Continuez, ma chère Sophie.

— Il est inutile que j’entre dans un récit détaillé de tout ce que j’ai dû endurer chez ces Heathcote. Cela a été horrible !

— Mais pourquoi avez-vous été chez eux de préférence à vos autres parents ?

— Mais je présume que ma mère avait pris des arrangements avec le major, répondit Sophie, que toutes ces questions commençaient à embarrasser.