Page:Trollope - La Pupille.djvu/252

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— Qu’est-ce qui est impossible ? que vous me reconnaissiez ou que je sois celui que je vous rappelle ?

— Cornélius Thorpe ! En croirai-je mes yeux ? reprit sir Charles en ouvrant ses deux bras pour recevoir son ancien ami qui s’y précipita. Mais pourquoi avoir laissé mourir votre bon père avec la douleur de vous croire mort ? continua le baronnet sans chercher à dissimuler la violente émotion qu’il éprouvait.

— Sir Charles Temple, répondit M. Thorpe le ressuscité, vous êtes dans votre droit en me torturant par cette question ; je mérite ce tourment horrible, mais laissez-moi vous dire que vous ne me reprocherez jamais mes torts autant que je me les suis reprochés moi-même.

« J’ai quitté mon père parce qu’il m’avait fait de cruelles réprimandes, je suis resté loin de lui parce que je n’ai pas eu le courage de revenir avouer que j’avais tort et lui raison, et enfin j’ai fabriqué moi-même des preuves de mon décès, parce que je mettais mon amour-propre à ne pas rentrer chez mon père, à vos yeux et à ceux de tout le pays, en enfant qui demande pardon et s’humilie. Je mérite donc tous vos reproches et je les attends ; cependant vous voyez ce que je souffre depuis mon retour en Angleterre, où des intérêts de la plus grande importance m’ont rappelé, et je compte sur votre indulgence.

— Je ne vous ferai aucun reproche, monsieur Thorpe, répondit sir Charles en s’apercevant de la maigreur et de la pâleur du fils de son ancien ami ; je ne nierai pas que votre retour ne me cause pas la joie que j’en aurais éprouvé s’il avait eu lieu quelques mois plus tôt ; mais j’aimais trop votre cher père pour renouveler vos remords par mes regrets. Si je puis vous servir ou vous aider dans vos affaires, comptez sur moi comme sur un ami sincère.

— Merci, sir Charles, reprit M. Thorpe, qui parut