Page:Trollope - La Pupille.djvu/251

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— De grâce, ne faites pas cela, reprit Algernon en riant plus fort ; envoyez-le à ma mère, et je promets de faire ce que mistress Heathcote décidera.

— Que voulez-vous dire, Algernon, répondit le baronnet un peu impatienté, et qu’avez-vous à voir dans le mariage de miss Martin Thorpe avec M. Jenkins ?

M. Jenkins ! s’écria Algernon ; mais c’est moi et non pas lui qu’il veut faire épouser à Sophie. »

Et il raconta la scène de la veille, sur laquelle il fondait l’opinion qu’il venait d’émettre. À ce récit Florence se mit à rire autant que son frère ; mais mistress Heathcote s'exclama avec terreur :

« Algernon épouser Sophie Martin Thorpe ! » et la bonne dame demeura comme atterrée.

Les jeunes gens calmèrent son indignation, mais ne parvinrent pas à diminuer la colère de sir Charles, qui était furieux de voir que non-seulement il lui fallait quitter sa chère Florence, mais qu’il allait être obligé d’écouter patiemment cette absurde proposition.

Ce fut donc avec moins de grâce que de patience que le baronnet se leva pour recevoir M. Jenkins, qui arriva à onze heures précises.

M. Jenkins entra avec son chapeau sur la tête, et vint se poser devant sir Charles sans prononcer une parole. Aussi étonné que mécontent de ce manque d’égards et de tenue, le jeune homme s’éloigna un peu ; mais le visiteur, s’étant rapproché de lui, se décida à ôter son chapeau et dit :

« Vous ne me reconnaissez donc pas ? sir Charles ; je croyais que mon front chauve suffirait seul à protéger mon incognito, mais quoi ! même avec mon chapeau vous ne me remettez pas.

— Vous reconnaître ! s’écria sir Charles avec l’effroi que pourrait causer un fantôme à un enfant ; non, c’est impossible !