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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/108

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Turgot, l’homme de son siècle qui était le plus pénétré de l’importance des idées religieuses, fut accusé de conspirer la ruine de la religion, parce que son respect pour elle l’empêchait de consentir à ce qu’elle fût un instrument entre les mains de la politique. Maurepas, qui n’y voyait pas autre chose, se ligua avec le clergé, et persuada à Louis XVI, chez qui une foi sincère repoussait l’hypocrisie, et n’excluait pas les lumières d’une conscience droite, que la tranquillité de l’État exigeait qu’on ne changeât rien aux serments du sacre. On dit qu’à Reims, ce prince faible et consciencieux remplaça, par des paroles inintelligibles, les formules que le clergé avait réussi à maintenir. Turgot, après l’accomplissement de la cérémonie, lui adressa un Mémoire, dans lequel il prouve au monarque que ses convictions religieuses lui font un devoir impérieux de ne pas tenir pour valides des engagements injustes[1].

Les réformes que Turgot accomplit postérieurement, les projets insensés que des ennemis ou des rêveurs enthousiastes lui prêtèrent, accrurent le nombre des adversaires de son administration dans une proportion si considérable, que, dès la fin de 1775, on pouvait déjà conjecturer que le vertueux ministre ne resterait pas longtemps au pouvoir. L’année 1776 devait voir la lutte de l’intérêt privé contre l’intérêt général s’élever à son apogée ; mais elle devait voir aussi le dernier principe ne conserver, pour ainsi dire, qu’un seul défenseur, et un prince qui voulait sincèrement le bonheur du peuple, sacrifier aux clameurs de l’égoïsme le seul homme qui fût capable de raffermir son autorité chancelante.

Turgot, qui considérait l’inégalité des conditions comme un fait nécessaire, qui trouvait normal le partage des hommes en propriétaires, en capitalistes et en simples travailleurs, mais qui professait également que « la morale regarde tous les hommes

    gitimer l’union des hérétiques. En outre, pour exprimer des doléances si peu conformes au véritable esprit du christianisme, il avait choisi deux hommes qui croyaient à peine en Dieu, Loménie de Brienne, archevêque de Toulouse, et l’abbé de Talleyrand-Périgord que, par une autre singularité, nous devions voir mourir avec le titre de membre de l’Académie des Sciences morales et politiques.

  1. Voyez tome II, page 492.