Aller au contenu

Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du même œil, quelle reconnaît dans tous un droit égal au bonheur[1], tirait de cette dernière opinion la conséquence, que l’inégalité n’est rationnelle qu’autant qu’elle dérive uniquement de la nature des choses. De là, sa haine pour les privilèges, les monopoles et toutes les institutions, en un mot, qui tendent à distribuer la richesse d’une manière artificielle, et à déshériter la moralité, l’intelligence, le travail, du droit de l’acquérir. De là, son insistance sur le grand principe de la liberté industrielle et commerciale, qu’il réclamait plus encore au nom de la justice qu’au nom de l’économie politique. Delà, en un mot, son amour profond de l’égalité civile, que tous ses actes eurent pour but d’établir. De là, enfin, les mémorables édits pour l’abolition de la corvée, la suppression des jurandes, la libre circulation des vins, et plusieurs autres encore, derniers efforts d’un ministère qui préparait, dans l’avenir, la complète émancipation du travail.

Turgot commença cette difficile entreprise dès le mois de janvier 1776, en soumettant au roi un Mémoire où il lui proposait 1ol’abolition de la corvée, 2o celle des droits existant à Paris sur les grains, farines, et autres denrées de nécessité première pour le peuple ; 3o celle des offices sur les quais, halles et ports de la même ville ; 4o celle des jurandes ; 5o celle de la caisse de Poissy, et 6o enfin, une modification dans la forme des droits imposés sur les suifs[2]. Ce Mémoire, accompagné du texte des édits, qui l’étaient eux-mêmes de préambules où le législateur parle pour la première fois aux hommes un langage digne d’eux et de lui-même, fut mis sous les yeux du Conseil. On ne sait pas, d’une manière bien précise, l’impression qu’en éprouvèrent les collègues du contrôleur-général ; mais on peut la préjuger par l’esprit des observations auxquelles Mironénil se livra sur la loi relative à la suppression de la corvée.

  1. Deuxième lettre sur la tolérance, II, p. 680.
  2. Les édits concernant, les grains et les offices opéraient dans la capitale une réforme du genre de celles qui avaient eu lieu à Rouen et dans les autres villes. On comptait à Paris 5,200 chargeurs, déchargeurs, rouleurs, etc., de grains, que la dernière mesure supprimait.