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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/320

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Il n’y a aucune raison pour que ce prix moyen augmente par la liberté. Ce prix est nécessairement formé par la comparaison de la totalité des demandes à la totalité des offres, ou en d’autres termes, de la somme des besoins à la somme de la production. Pour augmenter les prix, il faudrait que la somme des demandes augmentât en plus grande proportion que la production : or, c’est ce qui ne doit point arriver.

L’idée de voir accourir de toutes parts dans nos ports des étrangers pour nous enlever nos récoltes à des prix excessifs, est une vraie chimère. Les étrangers n’achètent que pour leurs besoins, c’est-à-dire n’achètent que ce qui manque à leurs récoltes pour les nourrir ; et dans tout pays un peu étendu, ce qui manque habituellement à la récolte pour nourrir les habitants, est assez médiocre.

Ce n’est guère que dans les années disetteuses que l’importation peut être forte ; et ces années disetteuses se succèdent avec beaucoup de variété dans les différentes parties de l’Europe. Tantôt c’est dans le Midi, tantôt dans le Nord que la cherté se fait sentir. Les États qui ont la liberté d’exporter, se partagent entre eux la fourniture totale de toutes les parties qui manquent, et l’on sait que cette fourniture totale ne monte jamais à 7 millions de setiers, peut-être pas même à 6. Tout ce que nous pouvons donc espérer ou craindre, est de participer à cette fourniture en concurrence avec l’Angleterre, la Pologne, la Moscovie, les Pays-Bas, les provinces arrosées par l’Elbe et l’Oder, la Barbarie, la Sicile, l’Égypte, et encore avec les colonies anglaises. Le prix primitif de nos grains est plus haut que celui des grains de Pologne, et nous ne pouvons soutenir la concurrence de Dantzick et des autres ports de la mer Baltique, qu’à raison de la différence des frais de transport qui sont moindres lorsqu’il faut approvisionner l’Espagne ou quelque autre pays méridional. Il est donc bien sur que nous n’exporterons jamais habituellement une grande quantité de grains.

Les Anglais, malgré leurs encouragements, n’ont exporté année commune, depuis quatre-vingts ans, que 364,000 setiers de froment de notre mesure, et à peu près autant d’autres grains, dont la plus grande partie est du malt ou de l’orge préparée pour faire de la bière. Cette quantité ne peut être plus grande, parce que les besoins à fournir sont limités et déjà remplis en partie, à meilleur marché, par les blés du Nord. La même cause, et la concurrence de l’An-