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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/382

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les résultats accumulés sont de faire payer aux consommateurs le pain d’un tiers ou d’un quart plus cher qu’ils ne devraient le payer par proportion au prix des grains.

Tous les inconvénients que je vous propose de corriger et les pertes qui en résultent pour le peuple sont développés dans l’ouvrage de l’abbé Bandeau. Les expériences sur lesquelles il s’appuie ont été faites en partie sous les yeux de M. de Sartine, qui en a une pleine connaissance[1]. Quand, sur quelques points particuliers, l’auteur aurait porté un peu trop loin ses espérances, il resterait toujours assez d’avantages dans les résultats les plus réduits, pour que la lésion actuelle des consommateurs soit démontrée, et qu’il soit évident qu’on doit les dédommager, sur le prix du pain, de l’augmentation sur le prix des grains, fût-elle encore plus forte qu’on ne peut la craindre de la liberté du commerce.

J’ose vous prier, monsieur, de lire le recueil des brochures que l’abbé Bandeau publia à ce sujet dans le cours de 1768 ; il suppléera en partie à bien des omissions que j’ai faites dans les lettres dont celle-ci est la dernière : car, quelque fastidieuse que soit leur longueur, je n’ai pu tout dire ; mais du moins je crois avoir levé

  1. La plupart de ces causes de renchérissement n’existent plus. Il ne reste plus guère à Paris que l’assujettissement des boulangers à un tarif, et les spéculations de la halle au blé lorsque arrive l’époque où le prix du pain doit être fixé.

    L’on sait comment cette taxe est déterminée. On suppose qu’un sac de blé de 159 livres anciennes (c’est encore sur cette mesure que se fait le calcul) doit donner à la panification 100 pains de 2 kilogrammes. On ajoute au prix de la farine 11 francs 50 centimes pour les frais de manutention et pour le profit du boulanger, puis l’on divise la somme par 100.

    L’art du boulanger consiste donc,

    1o À chercher à relever momentanément le prix de la mercuriale en simulant quelques ventes à haut prix ;

    2o À obtenir plus de 100 pains d’un sac de farine.

    Or, il n’est pas aujourd’hui de farine qui donne moins de 104 pains, et les meilleures donnent jusqu’à 108 pains, soit 16 kilogrammes de plus que le règlement. C’est là qu’est le meilleur profit du boulanger, sans parler ici du plus ou moins de poids du pain, qui résulte du plus ou moins de temps employé à la cuisson.

    Quand il y avait une tolérance on pouvait espérer manger du pain bien cuit. Aujourd’hui que le pain est vendu au poids, le temps de la cuisson est moindre, et le pain de marque, celui que le boulanger doit vendre au poids, est rarement bien confectionné.

    À Londres on mange de très-bon pain et d’excellente viande. À Londres, l’industrie du boulanger et celle du boucher ne sont assujetties à aucun règlement particulier. (Hte D.)