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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/393

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ployer quelques années à voyager dans les différentes parties de l’Europe, soit pour augmenter ses connaissances, soit pour étendre ses correspondances et former des liaisons avantageuses pour le commerce qu’il se proposait de continuer. Il voyagea à Hambourg ; il parcourut la Hollande et l’Angleterre. Partout il faisait des observations et rassemblait des mémoires sur l’état du commerce et de la marine, et sur les principes d’administration adoptés par ces différentes nations relativement à ces grands objets. Il entretenait pendant ses voyages une correspondance suivie avec M. de Maurepas, auquel il faisait part des lumières qu’il recueillait. Partout il se faisait connaître avec avantage, il s’attirait la bienveillance des négociants les plus considérables, des hommes les plus distingués en tout genre de mérite, des ministres des puissances étrangères qui résidaient dans les lieux qu’il parcourait. La cour de Vienne et celle de Berlin voulurent l’une et l’autre se l’attacher, et lui firent faire des propositions très-séduisantes, qu’il refusa. — Il n’avait d’autre vue que de continuer le commerce, et de retourner en Espagne après avoir vu encore l’Allemagne et l’Italie, lorsqu’un événement imprévu interrompit ses projets et le rendit à sa patrie.

M. Jametz de Villebarre, son associé et son ami, mourut en 1746, et, se trouvant sans enfants, le fit son légataire universel. M. Vincent était en Angleterre lorsqu’il reçut cette nouvelle ; il revint en France. L’état de sa fortune suffisait à des désirs modérés : il crut devoir se fixer dans sa patrie, et quitta le commerce en 1748. Il prit alors le nom de la terre de Gournay, qui faisait partie du legs universel qu’il avait reçu de M. de Villebarre. Le ministre sentit de quelle utilité les connaissances qu’il avait sur le commerce pourraient être pour l’administration de cette partie importante. La cour avait eu dessein de l’envoyer aux conférences qui se tenaient à Bréda pour parvenir à la paix générale, à peu près comme M. Ménager l’avait été en 1711, aux conférences qui avaient précédé le traité d’Utrecht, pour discuter nos intérêts relativement aux affaires du commerce. Les changements arrivés dans les conférences ne permirent pas que ce projet sage fut mis à exécution ; mais M. de Maurepas conserva le désir de rendre les talents de M. de Gournay utiles au gouvernement : il lui conseilla de porter ses vues du côté d’une place d’intendant du commerce, et d’entrer en attendant dans une cour souveraine. En conséquence, M. de Gournay acheta en 1749