Aller au contenu

Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/494

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inventées que dans des vues fiscales. Il n’est pas jusqu’aux plus petits employés des fermes qui n’en jouissent, et cette exemption est, pour ainsi dire, devenue de style, toutes les fois que le gouvernement veut favoriser quelque personne que ce soit par une concession de privilège.

C’est en partant de cet usage général que je n’avais point pensé à réclamer contre ce privilège, dont les sieurs La Forêt avaient joui aux mêmes titres que tant d’autres. Je ne voyais pas qu’en le leur retranchant on avançât beaucoup dans la réforme d’un abus aussi universel, et je me bornais à désirer que le gouvernement prît des mesures pour le faire un jour cesser entièrement, ce qui ne se peut que par des changements assez considérables dans notre législation et dans les formes judiciaires. Car, il faut l’avouer, si c’est la nature qui a imposé aux parents ce devoir d’humanité envers les enfants mineurs de leur famille, ce n’est pas la nature qui l’a rendu tellement onéreux, que tout le monde s’empresse de le fuir, et qu’il est devenu presque incompatible avec toute profession active et qui demande un travail assidu. Pour supprimer entièrement ce privilège, il faudrait que les formes judiciaires fussent assez simples et assez peu dispendieuses pour que la tutelle cessât d’être un fardeau redoutable, même à l’intelligence réunie à la probité ; ou bien il faudrait que la loi s’occupât de pourvoir à la conservation des biens des mineurs d’une manière qui, en conservant à leurs parents l’inspection qu’ils doivent naturellement avoir, leur laissât le loisir nécessaire pour suivre le cours de leurs occupations ordinaires. Ce n’est pas ici le lieu de s’étendre sur les moyens qu’on pourrait prendre pour parvenir à ce but : il faut partir de l’état actuel des choses, et j’avoue qu’en attendant une réforme beaucoup plus désirable qu’elle ne paraît prochaine, je ne puis ni tout à fait condamner l’administration lorsqu’elle se détermine à donner ce privilège pour des considérations d’utilité publique, ni m’étonner de la répugnance que vous sentez à l’accorder. Dans le cas particulier de la manufacture des sieurs La Forêt, je ne vois aucune nécessité assez urgente pour insister, et je me rends volontiers à votre façon de penser, en retranchant ce privilège de l’arrêt que je vous propose.

Votre troisième difficulté concerne le titre de Manufacture royale, que j’avais proposé de conserver aux sieurs La Forêt, et vous fondez votre répugnance sur deux motifs : l’un, que le titre de